Depuis l’aéroport de Dakar, il faut un peu plus de 2 heures pour rejoindre le village de Palmarin, à la lisière du Siné Saloum.
En chemin, arrêtez-vous à Joal-Fadiouth. Deux villages reliés par un pont en bois qui voit passer pêcheurs, vélos et autres carrioles en tout genre. Joal est situé sur la terre ferme tandis que Fadiouth est une île. Plus qu’une île, il s'agit en réalité de trois îles, toutes interdites aux voitures. L’île principale est une île artificielle qui est née de la réunion de l’amas de coquilles de mollusques ramassés ici et de la sédimentation. Le sol est donc littéralement recouvert de coquillages. A marée basse en traversant le pont, les cochons de l’île se font amateurs de coquillages et remuent la terre pour profiter du festin avant que l’eau ne remonte. Lorsque c’est l’heure, les écoliers y installent un terrain de foot de fortune. Et les femmes du village y ramassent mollusques à coques sous un soleil de plomb. Bien que touristique, l’île a su garder une certaine nonchalance et on croise encore, assis à l’ombre d’un arbre, les pêcheurs en train de réparer leurs filets, tandis que les femmes évident les poissons pêchés le matin même pour préparer, sans doute, le plat traditionnel sénégalais le Tieboudien, la paëlla locale. La deuxième île abrite un cimetière relié lui aussi par un pont en bois à l’île principale. Il est le seul au monde à héberger à la fois catholiques et musulmans. Comme sur l'île des vivants, ici on cohabite en paix. Une telle symbiose réconcilie un peu avec le genre humain. La dernière île ne l'est pas vraiment à proprement parler puisqu’il s’agit d’un ensemble de cabanes en hauteur qui servaient auparavant de silos pour le stockage des aliments.
La route accidentée (c’est le mot poli pour ne pas dire qu’il y a des trous partout) entre Joal et Palmarin, plus au Sud, marque une rupture radicale. Vous quittez les routes bondées bordant les petites villes alentours avec leurs marchands de café ambulants et leurs vendeuses de fruits, pour un paysage plus désertique, plus proche aussi de l’image qu’on se fait de la brousse. Vous y êtes. Les baobabs de chaque côté de la route, auxquels succèdent des forêts de palmiers, des arbousiers et les zébus qui forcent touristes et locaux à les laisser traverser la route. Ce nouveau paysage (et la poussière avalée fenêtres ouvertes) vous confirmera que vous êtes au bon endroit. Au bout de cette première partie du Sénégal, scindé en deux par la Gambie, la Casamance, cette région fruitière et isolée qu’on dit à risques sur le site du ministère des affaires étrangères mais que les sénégalais nous ont vendu comme un paradis bien secret. (On s’est promis de revenir la visiter).
Le Sénégal a bien plus à offrir que les plages de la petite côte. Lorsque la route traverse le tan c’est l’émerveillement des premiers voyages en Afrique. La chaleur et le soleil qui tombe donnent l’impression d’un mirage lorsque l’on regarde au loin. Comme si quelque chose de secret se cachait sous ces vaguelettes.
Pendant quelques minutes, un sol à la fois rocailleux et blanc, où les arbres ne poussent pas, nous entoure. Puis de nouveau, le paysage évolue et on devine à gauche les puits de sel, à droite l’océan. On traverse le village de Palmarin (comme palmiers) pour finalement rejoindre le Yokan Lodge.
Au bout d’un chemin de sable rouge, nous voilà en pleine déconnexion. Ici, les heures s’écoulent lentement à admirer la valse des hirondelles et autres petits migrateurs au col vert ou rouge qui viennent s’abreuver en rasant la piscine de l’hôtel. Un véritable ballet s’organise. On suit docilement la courbe du soleil pour chercher de l’ombre sur la plage le matin, se cacher sous notre parasol près de la piscine aux heures les plus chaudes et enfin retourner sur la plage en fin de journée. Il nous sera bien difficile de nous concentrer sur notre roman.
Le matin, les zébus nous donnent rendez-vous sur la plage, où l’on croise alors les quelques villageois qui empruntent le chemin de la plage pour rejoindre la ville voisine. Quand ce n’est pas la danse des oiseaux qu’on admire, c’est celle des pêcheurs qu’on ne quitte plus des yeux. Ils étirent leurs filets tout au long de la journée à quelques mètres de la plage. On se laisse bercer par le son du moteur de leur pirogue et le bruit sourd des coups qu’ils donnent sur la coque pour piéger les poissons un peu plus loin. Les yeux baissés sur son livre quelques instants se relèvent aussitôt pour admirer ce pêcheur à pied qui lui lance ses filets depuis le rivage l’eau jusqu’à la taille. Il garde son butin dans son sac en toile de jute qu’il tient en bandoulière pendant qu’il guette la surface de l’eau pour choisir le meilleur endroit où pêcher. Notre roman attendra. Pas question de quitter ce tableau des yeux.
Pour profiter de la beauté des environs, la découverte du port de Djiffer à quelques kilomètres de là vaut le détour : à droite la plage, à gauche la mangrove d’un vert vif. Djiffer à l’heure où rentrent les plus “petites” pirogues et celle où partent en haute mer les grandes pirogues accueillant jusqu’à 30 pêcheurs est un véritable spectacle. Ceux-là passeront la nuit en mer et ne reviendront que le lendemain matin aux aurores. Les camions réfrigérés en provenance et à destination de Dakar les y attendront. Les villageois des environs également. Ici tout le monde peut acheter mais il faut se jeter très rapidement sur les caisses de poissons à peine la pirogue amarrée pour être sûrs d’avoir de grandes quantités. C’est une explosion de couleurs. L’odeur de poisson est vite oubliée tant on est absorbés par les scènes qui viennent s’imprimer sur notre rétine.
Des pêcheurs heureux de rentrer avec des bateaux pleins. Des enfants qui jouent au milieu des pirogues. Ceux qui du haut de leur 10 ans, à peine, partent en mer. Ces jeunes hommes encore qui nous interpellent pour qu’on les prenne en photo pendant qu’ils préparent leur pirogue au départ. Ces collègues enfin qui partagent un thé et finissent d’emballer leurs affaires au sec avant de prendre la mer pour la nuit. Au milieu de Djiffer, une montagne de coquilles qu’on casse pour en extraire les mollusques expédiés partout en Afrique, en Chine et même en Europe. Derrière les étals où le poisson sèche et les sardines sont fumées, les chèvres qui viennent lécher le sel des quelques nageoires qui dépassent. On repartira de Djiffer ivres de cette effervescence.
Depuis le Yokan, nous sommes partis nous promener, en pirogue, sur les canaux où l'eau de mer se mêle à celle des cours d'eau, au cœur de la mangrove du parc du Siné Saloum, inscrit au patrimoine mondial de l’UNESCO. Ce poumon vert abrite des milliers d’oiseaux, un véritable paradis pour cormorans et pélicans. On profite d’une croisière paisible au coucher du soleil pour se sentir encore plus déconnectés de son quotidien. De retour à l’hôtel, les jeunes lutteurs du village sont venus s’entraîner sur la plage à quelques prises avec leur entraîneur qui travaille au Yokan. Ancien champion, il les emmène en compétition et leur apprend ses meilleures techniques dans ce sport de force et de dupes.
Où dormir
Yokan Lodge : Une adresse plus vraiment confidentielle mais réservée à ceux qui veulent s’extraire de la touristique Saly. Une situation exceptionnelle dans un environnement encore intact, à côté du village de Palmarin, aux portes du Siné Saloum, cachée entre baobabs, palmiers, mangrove et plage de sable blanc. Ce joyau intimiste a été créé par une famille belge dans un esprit ethnique chic. Ne vous étonnez pas d’y trouver au menu une tajine du jour, le chef, Joseph a passé quinze ans aux fourneaux du Jardin des Douars, à Essaouira au Maroc, avant de revenir officier dans sa ville natale au Yokan.
Lodge les Collines de Niassam : À quelques minutes seulement du Yokan c’est une toute autre expérience qui s’offre à vous. Un autre paysage aussi. Les baobabs sont tout proches, les zébus éparpillés un peu partout dans cette réserve naturelle où vous traverserez des puits de sel qu’on creuse en hiver et dont la récolte se fait au printemps en famille. C’est un écolodge tenu par un français qui a créé un lieu en harmonie avec la nature fragile qui l’entoure et qui est en partie géré par les villageois. L’hôtel ne prend aucune commission sur les activités qui leur sont payées directement. Un état d’esprit responsable qu’on apprécie chez Vendredi. Pour votre douche, n’oubliez pas de demander votre seau d’eau chaude à la réception si vous êtes frileux ! Et pour ceux qui ont le sommeil léger prenez des boules quies pour ne pas être déranger par les balades nocturnes des geckos sur votre hutte ou celles très matinales des palmipèdes au pied de votre chambre. Le réveil sur la lagune est un enchantement. Demandez la chambre Lagune 4 pour dormir sur une île face aux baobabs et aux pélicans.
Fun fact : La symbolique du baobab diffère selon les pays et les ethnies. Au Sénégal, il servait d’antan de cimetière au peuple griot, méprisé par le reste de la population et considéré comme étant tout en bas de l’échelle sociale. La pratique a été interdite en 1962 par le Président Léopold Sédar Senghor. La légende raconte également que les dieux auraient jeté le baobab du ciel et qu’il se serait retrouvé à l’envers, les racines en l’air, lui donnant sa forme originale.
🎧 Notre playlist pour voguer sur la mangrove est toujours là.
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